« Pauvre Martinique ! ». Voilà le triste commentaire que nous suscitons aujourd’hui à l’extérieur. Voilà la trace laissée par nos obsessions identitaires. Voilà le sentiment général qui résulte de plusieurs décennies d’esprit de dissidence cultivé par nos vieux démons séparatistes.
Distendre toujours un peu plus le lien avec la France, pour mieux nous enfermer dans nos frontières identitaires, c’est le seul chemin qui nous est proposé depuis 40 ans ! C’est ce chemin sans issu qui a détourné la Martinique de ses opportunités naturelles, qui l’a empêchée d’entrer dans le concert républicain et de peser de tout son poids dans les gouvernements français.
C’est ce chemin qu’ont refusé de prendre la Réunion, la Guyane et la Guadeloupe ; en tournant le dos au séparatisme, elles ont bien compris les bénéfices sociaux, économiques et politiques qu’elles pouvaient tirer de l’affirmation républicaine. Tandis que nous nous chamaillons autours des idées sécessionnistes, qu’elles soient indépendantistes, autonomistes ou nationalistes, nos frères d’Outre-mer renforcent chaque fois qu’ils le peuvent le lien national. Ils fournissent à la France ministres et secrétaires d’Etat, ils plantent sans complexe le drapeau national sur leur sol et ils discutent d’égal à égal sur les projets de développement. Ils le font avec pragmatisme, en assumant pleinement leur rôle de partenaires d’une France qui les écoute, et avec laquelle ils coopèrent intelligemment.
Et pendant tout ce temps, depuis plus d’un an, nous regardons un tuyau d’eau cassé, nous laissons nos déchets s’empiler, nous assistons au dérèglement des services de bus, nous maintenons les dossiers d’aide aux entreprises sous le coude, nous nous étripons au sein de la CTM pour tenter de défendre la démocratie, nous jouons du violon pendant le naufrage… Pauvre Martinique !
Et plutôt que d’assumer pleinement les pouvoirs dont nous disposons, nous préférons rejeter nos propres échecs sur la France. En prenant nos distances avec la République, nous nous offrons un formidable bouc émissaire.
Allons-nous rester longtemps encore enfermés dans la sclérose séparatiste, ou allons-nous enfin reprendre le chemin du bon sens, celui qui nous ouvre au monde grâce à notre lien avec la France ? Allons-nous continuer encore longtemps à nous amoindrir dans nos enfermements, ou au contraire nous ouvrir, pour devenir une force martiniquaise de la République Française.
Car au fond, il n’y a plus que deux camps en Martinique : celui du séparatisme et celui du lien républicain. L’immense majorité silencieuse se situe clairement dans le camp du lien républicain. Elle revendique d’être à la fois martiniquaise et française. Il est temps maintenant qu’elle s’appuie solidement sur son socle républicain pour abandonner définitivement ses chimères séparatistes, créer des emplois, attirer des talents et revitaliser la Martinique.
Emmanuel de Reynal