Une tribune libre de Maurice Laouchez :
Lorsqu’au milieu du 19ème siècle s’est posée « la question sociale », c’est-à-dire la question d’un partage plus juste des fruits de l’activité économique, deux tendances se sont dégagées :
- La tendance marxiste, forte en France et en Angleterre, a posé en axiome la lutte des classes, la révolution et la dictature du prolétariat.
- La tendance réformiste, très présente en Allemagne et en Europe centrale, a préféré insister sur la progressivité des améliorations sociales, en associant le plus possible tous les acteurs présents dans les entreprises.
A cette époque, la Martinique venait de justesse, avril 1848, d’échapper à l’esclavage, profitant des quelques mois qui ont séparé l’avènement de la République (24 février 1848) et l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte comme premier président (10 décembre 1848).
Nul doute que l’abolition n’aurait pas été le premier souci du neveu de celui qui avait rétabli la bête immonde. Sans la rapidité de Schoelcher et d’Arago, nos ancêtres esclaves auraient subi leurs fers 22 ans de plus, et nos ancêtres esclavagistes 22 ans de plus leur indignité.
Mais les conditions mêmes de l’abolition, l’indemnisation des propriétaires et non des esclaves, rendaient extrêmement difficile toute perspective de participation.
Les temps ont changé.
Des milliers d’entreprises de par le monde, et quelques-unes à la Martinique, ont montré à quel point la participation est un mécanisme gagnant/gagnant partout où elle est pratiquée.
Informer tous les salariés des défis majeurs de l’entreprise, organiser les partages d’expérience et d’idées, donner à chacun une part juste des bénéfices dégagés, créer ainsi un attachement de chacun aux succès, partager aussi les épreuves : voilà ce que les entreprises d’aujourd’hui ont le plus grand intérêt à faire.
La loi ne prévoit l’obligation de participation que dans les entreprises de plus de 50 salariés, et beaucoup de dirigeants évoquent cette législation pour ne pas agir.
Grave erreur.
Partout où l’activité professionnelle exige le déploiement de l’intelligence humaine, la participation est un multiplicateur d’efficacité.
Dans notre Martinique, économie essentiellement de services, où les signes d’excessives crispations se font de plus en plus nombreux, aucun outil plus que la participation n’est de nature à faire franchir une étape décisive sur le chemin du progrès social.
« KOUTÉ POU TANN, TANN POU KONPRANN, KONPRANN POU ANTANN, ANTANN POU VANSÉ ANSANM » nous suggérait le grand Jean BERNABÉ.
Maurice Laouchez