Nous avons la chance en Martinique d’avoir réussi à développer une filière performante d’exportation qui emploie 6.000 personnes. Mais nous n’en sommes pas pour autant autonomes sur le plan alimentaire ! Cette faiblesse vient-elle de notre force ? Est-ce la banane qui nous empêche de cultiver autre chose ? Faut-il opposer agriculture d’exportation et agriculture nourricière ? Si l’une disparaissait, l’autre s’en porterait-elle mieux ?
A l’heure des grandes relocalisations, le moment est venu de nous poser les bonnes questions sur notre souveraineté alimentaire.
Les cultures de bananes occupent environ 4.400 hectares de terres agricoles en Martinique selon les années et selon les aléas climatiques.
Selon le mémoire de recherche publié en septembre 2019 par Sylvestre LANKOANDE sous la direction de deux ingénieurs de l’INRA, il suffirait de cultiver entre 200 et 470 hectares de terres supplémentaires – ce qui représente seulement 5% de la sole bananière – pour couvrir l’ensemble de nos besoins alimentaires en produits frais ! Notons qu’il existe des friches non utilisées dont la surface est quasiment équivalente à la SAU (Surface Agricole utilisée) ; Autrement dit, il reste de la place, beaucoup de place pour produire 100% des fruits et des légumes que nous pourrions consommer.
Quelques chiffres pour fixer les idées (source Agreste septembre 2019) :
- Superficie totale de la Martinique : 110.000 hectares
- Bois et forêts : 44.000 hectares
- Surface en friche : 21.000 hectares
- Surface contaminée au Chlordécone : 10.000 hectares (source DAAF)
- Surface agricole utilisée : 23.000 hectares
- dont surface en herbes : 8.600 hectares (37%)
- dont surface banane : 4.400 hectares (19%)
- dont surface canne : 3.800 hectares (17%)
- dont surface fruits et légumes : 2.200 hectares (10%)
Selon Sylvestre LANKOANDE, l’objectif de souveraineté alimentaire est réalisable en Martinique. L’office de développement de l’économie agricole d’outre-mer a proposé quelques pistes pour l’atteindre (ODEADOM 2018) :
- Diminuer les surfaces insuffisamment cultivées ou laissées en friches malgré leur potentiel agricole.
- Favoriser les rotations et associations de cultures sur des surfaces actuellement uniquement dédiées aux productions d’exportations (canne et banane) : sans remettre en question ces dernières, de tels procédés agronomiques permettraient d’augmenter les quantités produites et commercialisées localement.
- Développer la mécanisation et l’irrigation.
- Former les petits exploitants à la gestion et au management de leurs exploitations.
- Intensifier les systèmes de production en diversification végétale en favorisant les pratiques « agro-écologiques », qui fixent pour objectif de maintenir ou d’augmenter la production, tout en diminuant les intrants.
- Mieux planifier les productions et organiser le marché de façon à éviter les périodes de saturation des marchés.
- Mieux organiser les circuits de distribution pour moins de gaspillage des produits.
- Mener une politique de promotion des produits frais et locaux et redonner confiance aux consommateurs, en particulier dans les territoires touchés par la problématique du chlordécone.
Chez Renaissance Martinique, nous adhérons pleinement à cette vision pragmatique qui consiste à muscler nos deux jambes : celle de l’agriculture d’exportation ET celle de l’agriculture nourricière.
Nous préconisons d’aider les filières agricoles de la diversification à s’organiser dans une Union Professionnelle performante promouvant un label de commerce équitable, de créer un centre technique pour gérer une pépinière-mère, ainsi qu’une plateforme logistique mutualisée au service de tous les agriculteurs, afin que chacun d’entre eux puisse vivre dignement de son travail.
Nous préconisons de lancer un vaste plan de dépollution des sols par apport massif d’amendements organiques, en soutenant notamment les efforts de recherche en cours.
Nous préconisons de remettre nos jardins créoles à l’honneur, notamment à proximité de chaque école, depuis la maternelle jusqu’au lycée.
Nous préconisons enfin d’appuyer le projet de création d’une université spécialisée dans les métiers agricoles et la biodiversité tropicale, et d’adosser une Agropole (pépinière et incubateur) à cette université, afin d’accompagner les porteurs de projets agricoles dans une dynamique d’excellence.
Gagner en autonomie alimentaire grâce à une agriculture nourricière performante, et une stratégie globale d’excellence, voilà un défi que nous devons relever tous ensemble. Nous y parviendrons en réhabilitant les métiers de la terre, ceux de nos héros mal aimés, les nourrisseurs de Martinique !
Car plus que jamais, la Martinique a besoin d’une agriculture forte de ses filières pour nourrir sa population, générer des emplois et affronter sereinement son avenir.
Oui, il faut un Max pour revitaliser l’agriculture martiniquaise !
Max Orville, Renaissance Martinique