AGIR POUR DONNER UN AVENIR A NOTRE PAYS

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Ce qui est certain, c’est que nous avons un futur. Ce que nous ne savons pas et qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le visage de ce futur : notre avenir. Ce visage, il nous appartient de le construire ou, au moins, d’agir pour qu’il soit, plus ou ou moins, l’expression d’une communauté culturelle.

Agir pour un avenir meilleur

Agir, c’est, dans un premier temps, renoncer à des rivalités, ignorer des désaccords, des oppositions de catégories sociales ou ethniques qui nous viennent de notre passé et de la façon dont notre société créole s’est constituée et développée… Bref, ignorer tout ce qui relève des « forces réactives » et qui, in fine, nous dépossède de notre avenir et de notre culture.

Agir, c’est aussi ouvrir des brèches dans un système de pensée dont nous ne maîtrisons pas tous les postulats, tellement ils sont anciens et profondément ancrés dans notre rationalité. Ouvrir des brèches, pour aller au-delà des faits tels que nous les percevons (forcément déformés) pour redécouvrir les désirs, les espoirs, les valeurs que nous voulons défendre aujourd’hui.

Notre passé porte les freins qui dévoient notre action ; mais il est aussi la force qui peut nous permettre d’agir ensemble pour donner à notre pays un avenir. C’est cette force que nous devons analyser et nous approprier.

Quelques brèches, par exemple :

Notre culture n’est pas enfermée dans notre histoire. La culture est ce que nous voulons pour notre avenir. Certes elle se fonde sur notre patrimoine, mais ce dernier est la dimension minérale (donc morte) de notre culture. À vouloir sans cesse revisiter notre histoire, juger et évaluer les choix et les actes de nos ancêtres et de nos parents, nous perdons de vue l’essentiel, et ne construisons pas pour l’avenir.

Le besoin éperdu de recherche de « la vérité », le recours incessant à « la science » pour conforter nos choix et orientations est, soit une perte de temps, soit une démarche visant à manipuler les personnes en utilisant leurs biais cognitifs (biais de confirmation – nos convictions sont auto-confirmantes –, biais de conformité, biais de contrôle… pour donner quelques exemples.

D’une part il n’est pas de vérité que scientifique et, d’autre part, les vérités même scientifiques sont en perpétuelle évolution… en tout cas, elles ne sont pas immuables. Nous sommes tous prisonniers d’un système de représentations issu des principes initiés par Socrate et Platon… : Les vérités – surtout celles qui sont présentées sous le couvert de la science – doivent valoir pour tous, en tout lieu, et prétendre à l’universalité… elles sont donc de la même nature que les vérités produites par la foi en un Dieu, quel qu’il soit.  Ces deux conceptions de la vérité sont encore en conflit ouvert dans nos sociétés aujourd’hui.

Pour être encore plus concret, nous pouvons prendre quelques exemples qui animent la société martiniquaise actuellement :

Le chlordécone. Il y a encore aujourd’hui beaucoup de débat et de ressentiment autour de l’utilisation abusive et pathologique de ce pesticide. Une seule question est importante sur ce sujet actuellement : comment fait-on pour supprimer le solde de chlordécone encore présent dans les sols agricoles martiniquais ? Les moyens pour le faire ne peuvent venir que de l’État qui en a autorisé l’utilisation. Tous les martiniquais, quelle que soit leur catégorie sociale, adhèrent à cette approche. Pourquoi chercher davantage ? Pourtant le procès en cours et la menace d’un non lieu crée dans notre société un sentiment d’injustice sur lequel les associations impliquées surfent pour encore renforcer les « haines de rivalité ».

La destruction des statues. C’est encore un sujet qui divise parce que nous cherchons la motivation et la légitimité de l’acte dans le passé alors qu’elles sont sans nul doute dans le présent voire même dans le futur. Je fais l’hypothèse que les militants qui agissent s’attaquent à un symbole et non à la personne de V. Schœlcher. La justification de l’acte est à rechercher dans ce que la statue matérialise pour eux. D’un certain point de vue, dans le contexte actuel, la statue pourrait surtout évoquer un obstacle à une démarche identitaire en réaction à l’acculturation/assimilation à la française. Sur cette démarche qui porte une orientation pour l’avenir, il n’y a aucun débat parce que la véritable motivation n’est pas affichée (on la place sur un choix de V. Schœlcher) et les tensions entre les catégories sociales sont bien entretenues.

Je ne suis pas naïf. Je sais que certains comportements, certaines erreurs, certaines fautes restent difficiles à oublier ou à pardonner. Je ne parle d’ailleurs pas de pardon. Je dis seulement que l’urgence sociale doit être la réconciliation, la recherche d’une unité « nationale », pour faire naître, ou renaître un peuple martiniquais.

Raoul Maran, Inspecteur de l’Education à la retraite