LE GENOCIDE PAR SUBSTITUTION, OU LE HARA-KIRI DE NOS ACTIVISTES

Yvon Joseph-Henri

Le génocide par substitution n’est qu’une formule « magique » incantatoire utilisée par certains pour accuser les autres en se défaussant de ses véritables et fondamentales responsabilités.

Ça y est ! Les vieilles antiennes sont de retour. On comprend que notre île soit enkayée à toujours ressortir les vieilles formules, preuve que ceux qui espèrent galvaniser la population pour gagner les élections sont dans le bégaiement, tels les perroquets qui parcourent le ciel de Didier et alentours !

Tout est bon, croit-on pour faire monter la colère légitime du peuple martiniquais – formule que j’utilise à dessein parce qu’elle participe de l’outillage et du déguisement de mise lorsque l’on veut faire croire qu’on se bat pour l’indépendance de son île.

Secrétaire du SNES (syndicat national de l’enseignement du second degré) il y a de nombreuses années, et alors que certains politiques ici, tournaient et retournaient autour de l’autonomie et de l’indépendance, soudain, deux syndicats proches alors du MIM (on ne sait où ils sont maintenant tout comme le MIM d’ailleurs !), se sont mis à crier au génocide par substitution pour faire croire que, dans l’Education publique, on ouvrait les vannes aux « métropolitains » au détriment, comme certains osaient le dire, des Martiniquais compétents qui pouvaient exercer ce métier.

Le SNES dont j’assumais la responsabilité, avait répliqué avec l’aval unanime de son secrétariat. Non seulement le solde de métropolitains qui arrivaient était négatif par rapport à ceux qui repartaient, mais que de tels propos, dans une situation où ces affirmations ne reposaient sur aucune des données chiffrées, étaient dans le fond discriminatoires, voire racistes ! A notre grand amusement, le maître alors de la Région avait déclaré en substance : les racistes, ce sont ceux qui en parlent qui le sont ! Enfantin, n’est-ce pas !

Ces syndicats qui contestaient la venue d’une poignée de métropolitains cachaient au public que si ces enseignants entraient en lieu et place de potentiels candidats martiniquais, c’est qu’il n’y avait justement pas de candidats martiniquais ! Pour ma part, je suis entré personnellement en Martinique avec 165 points « normaux » plus 1000 points comme originaire : 1165 points quand la moyenne pour entrer était de 75 points. Car, suite aux efforts du SNES Martinique des années 70 environ, nous avions obtenu 1000 points in fine pour les Martiniquais qui demandaient leur mutation de métropole pour rentrer en Martinique, ce dont ne bénéficiaient pas les autres collègues métropolitains qui, arrivés ici, espéraient retourner dans leur ville natale.

Il faut dire que l’expression « génocide par substitution » était comme un bonbon dans la bouche de nos maîtres manipulateurs, plus forts à duper la population qu’à faire avancer le pays. Génocide renvoie aux Nazis et au remplacement de populations de l’Est de l’Europe, à l’extermination des Juifs mais aussi à Césaire qui a utilisé une seule fois le terme à l’Assemblée Nationale en 1975 lorsqu’il s’insurgeait contre le projet d’installation de diverses populations métropolitaines et autres, en Guyane. Ainsi on « faisait de l’effet » en faisant croire à une allégeance à notre poète national. Par contre, on se garde bien de rappeler ce que les fréquentations de twitter révèlent, à savoir que l’expression est fréquente aujourd’hui dans les réseaux d’extrême droite en France contre l’immigration

Ah le génocide ! Nos apprentis intellectuels font une utilisation approximative des origines de l’expression, en faisant l’omerta sur une réalité plus complexe, en cherchant à faire croire que l’on appelle les métropolitains à venir envahir le pays. Pour ce faire tout quasiment a été utilisé : le fait que la population martiniquaise soit essentiellement âgée, le fait que les jeunes partent bac en poche pour ne pas revenir, le fait qu’il n’y a pas de travail, le fait que les békés préfèrent faire venir « des blancs » occuper les emplois qu’ils proposent et, le pompon, la référence à ces annonces de l’APEC où le groupe HAYOT propose des emplois à Ducos ou au Lamentin pour ne citer que l’exemple que j’ai sous les yeux.

Manipulation et bêtise ! Dans une émission internet sur la télévision Cla Maria TV avec Emmanuel de Reynal, une jeune fille à la recherche d’emploi en Martinique d’un côté et des Antillais de notre diaspora, un responsable des ressources humaines de l’autre côté, a témoigné de notre problème d’emploi ici. Les entreprises cherchent du personnel qu’elles ne trouvent pas et jusque dans notre diaspora, certains pourraient postuler pour ces emplois mais ne savent pas qu’ils existent. De là l’idée de créer un Observatoire des métiers. Pourquoi ceux qui sont aux commandes du pays à tour de rôle ne l’ont jamais fait ?

Mais au-delà de ce problème s’en surajoute un autre, celui du niveau de formation. Nous manquons de cadres et de techniciens de haut niveau parce que nous manquons de ces formations ici. De là sans doute les propositions d’emploi qu’on tente de faire passer pour des incitations à substitution de population. L’APEC est une association de cadres. Et nulle part, les emplois proposés ne sont réservés à des métropolitains. Ils visent des cadres et pour certains groupes, on préfère recruter des Martiniquais plutôt que des métropolitains qui repartiront majoritairement un jour.

Vouloir mettre le pays à feu et à sang pour gagner des élections témoigne du mépris à l’égard de notre population. Celle-ci mérite la vérité. Et c’est pour cette raison, que loin d’effet de manche, je continuerai comme je l’ai toujours fait syndicalement, dans l’enseignement et ailleurs, à la défendre : notre population vaut bien cela.

Après, la Population éclairée, fera son choix souverain, en toute liberté !

Accuser, salir, ne saurait faire oublier ses propres turpitudes.

Yvon JOSEPH HENRI

Membre de Renaissance Martinique

Président de l’Association des Consommateurs de la Caraïbes

Ancien Secrétaire du SNES et de la FSU Martinique