LE COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE #2 : COMMENT REUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

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Mardi 11 octobre 2022 se tenait la deuxième table ronde de la Renaissance initiée par l’eurodéputé Max ORVILLE.  Le thème : Comment réussir la transition énergétique en Martinique ? Un large public attentif s’était rendu dans la grande salle de conférence du Crédit Agricole du Lamentin pour échanger avec les trois intervenants : Odile COUMAU, directrice de EZdrive, Xavier FICHAU, directeur de EDF Martinique et Nicolas de Fontenay, directeur de Albioma. Une rencontre passionnante animée énergiquement par Serge THALY. En voici le compte rendu :

La vidéo complète ici

UNE DÉFINITION

La transition énergétique désigne le passage du système actuel de production et de consommation d’énergie, principalement axé sur des énergies fossiles et non renouvelables (pétrole, gaz, charbon), à un mix énergétique basé en grande partie sur des énergies renouvelables.

En France, la loi de transition énergétique de 2015 en fixe les objectifs : réduire la facture énergétique, lutter contre le dérèglement climatique, renforcer l’indépendance énergétique, encourager une croissance verte, tout en assurant un accès à l’énergie à des prix compétitifs.

LE CONTEXTE

Alors que l’Union européenne, notamment en raison de la guerre en Ukraine, recherche la sobriété énergétique, la question se pose de savoir où en sont nos territoires, comment nous pouvons réussir notre transition énergétique, et devenir plus autonomes. Et, pour reprendre le terme de l’eurodéputé réunionnais Stéphane Bijoux, comment les ultramarins peuvent devenir          « ultramalins » en matière de transition énergétique.

Les Martiniquais ne mesurent pas forcément les enjeux de cette transition d’autant plus qu’ici, au nom de la continuité territoriale, les tarifs de l’électricité sont encadrés, et qu’EDF vend à perte.

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EZDRIVE

Créée par Green Technologies (entreprise spécialisée dans la transition énergétique), EZdrive a été sélectionnée parmi les 120 pépites de la French Tech. C’est la première entité martiniquaise à rejoindre ce programme.

En Martinique, en 2021, plus de 50% de l’énergie est consommée dans les transports routiers. Et 25% seulement de l’énergie est produite de façon renouvelable.

EZdrive offre le premier réseau de bornes de recharge 100% solaire de voitures électriques (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion, Hexagone). La start-up accompagne les entreprises sur l’efficacité énergétique (réduction de la consommation et de l’impact carbone), et les aide à faire de la transition énergétique un levier de croissance.

Proposer un autre modèle économique

Dans le domaine de l’énergie, il y a, traditionnellement, quelques grands acteurs qui assurent la production et en tirent les bénéfices.

EZdrive propose un modèle différent et collaboratif, dans lequel toute entité susceptible d’accueillir une borne (ex. un parking) peut en tirer des revenus. Leur credo est : « redistribuer la chaîne de valeur de l’énergie, un peu à la manière d’un Airbnb de la mobilité ».

ALBIOMA

Producteur d’énergie indépendant présent dans les DOM depuis 30 ans, Albioma est engagé dans la transition énergétique à travers le solaire, la biomasse et la géothermie. C’est le 2ème énergéticien derrière EDF. En Martinique, sa centrale thermique du Galion couvre 15% des besoins électriques de l’île.

État des lieux des énergies renouvelables en Martinique

Le photovoltaïque représente seulement 6% du mix énergétique alors même que la ressource est abondante, et l’hydraulique moins de 1%. Un potentiel géothermique a été détecté aux Anses d’Arlet mais tout reste à développer en la matière.

Selon la programmation pluriannuelle de l’énergie à la CTM, le calendrier prévu était le suivant : 56% d’énergies renouvelables en 2023, et 100% en 2033. À titre de comparaison, en Guyane, 50% de la production vient de l’hydraulique, et le pays pourrait arriver assez rapidement à 100% d’énergies renouvelables. À la Réunion aussi l’hydraulique représente une grande partie du mix. En Guadeloupe la géothermie est exploitée.

Les freins au développement des énergies renouvelables

  • Réseau insulaire
  • Réseau incomplet et compliqué
  • Densité de population deux fois plus élevée que dans l’Hexagone donc foncier moins disponible pour l’installation de parc photovoltaïque
  • Conflits d’usage avec d’autres choix politiques et sociétaux (ex. autonomie alimentaire)
  • Traitement administratif trop long : il faut en moyenne 10 ans pour faire éclore un projet lié à la transition énergétique

Un projet est en cours de réflexion : utiliser les milliers d’hectares de terre polluées à la chlordécone pour y faire pousser de la canne à sucre à vocation énergétique (ex. bioéthanol).

Point de vigilance

La transition énergétique ne peut pas se faire sans transition sociale : elle ne doit pas détruire des emplois sans en créer d’autres.

Elle nécessite aussi une transition économique et une transition/migration fiscale puisqu’une part importante des revenus des collectivités est issue de la taxation des produits pétroliers.

Enfin, l’acceptabilité de la population face aux installations doit être prise en compte, comme on peut le voir avec les éoliennes ou les parcs photovoltaïques.

EDF MARTINIQUE

Plus d’équipements, plus d’usages, la consommation des foyers martiniquais a augmenté. EDF doit réaliser l’équilibre entre offre et demande, production et consommation, ce qui est plus compliqué sur les petits territoires.

Et pourquoi pas changer de paradigme ? Plutôt que d’adapter la production à la consommation, les usages de l’électricité pourraient se caler à la production, surtout lorsqu’il s’agit d’énergies intermittentes comme l’éolien et le solaire.

Deux pistes sont à explorer

  • Réduire la consommation d’électricité. Les fonctionnalités des compteurs numériques (70% de pose en Martinique, et 90% d’ici un an ou deux) permettent de mieux maîtriser la consommation
  • Améliorer l’efficacité énergétique avec des appareils plus sobres

Sachant qu’au final, la meilleure énergie et la plus vertueuse est celle…que l’on ne consomme pas !

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LES PRÉCONISATIONS POUR LA TRANSITION ENERGETIQUE

  • La transition énergétique peut créer des emplois : la pose de bornes de recharge photovoltaïques nécessite des opérateurs. Et les batteries et panneaux solaires pourraient être recyclés localement suscitant la création d’unités spécialisées
  • Créer une incitation fiscale par crédit d’impôt à l’installation des panneaux photovoltaïque
  • Développer les bornes bidirectionnelles qui ont la capacité d’être réversibles et qui peuvent alimenter aussi bien les voitures que les bâtiments. Ainsi, les voitures électriques chargées au solaire le jour pourraient devenir des sources d’énergie domestique la nuit
  • Obtenir que tout producteur d’électricité, quel qu’il soit, puisse vendre l’énergie qu’il produit
  • Moduler les tarifs d’EDF pour inciter la population à consommer plus lors des pics de production des ENR
  • Les particularités des DOM et zones insulaires devraient être mieux prises en compte par l’Union européenne
  • La géothermie est très chère et longue à développer : un forage exploratoire coûte de 2 à 6 millions €. L’UE pourrait créer une ligne budgétaire (à travers le Feder, par exemple) pour proposer une compensation financière en cas de non-succès de prospection
  • Consommer moins, consommer mieux : on pourrait mettre en place un signal tarifaire avec un système de bonus/malus. Un bonus lorsque l’on est vertueux et un malus quand on ne l’est pas
  • Rendre obligatoire l’enseignement scolaire sur les énergies et la transition énergétique
  • Inciter les Martiniquais à s’engager comme bénévoles dans des associations environnementales afin de sensibiliser à la transition énergétique